James refusa d’écouter. Il traversa la porte et se perdit dans la foule, renversant plusieurs personnes sur son passage.
— Maman ! hurla-t-il en montant sur un siège pour scruter la foule. Maman !
Quand une main s’agrippa à sa manche, James bondit en avant, il sauta par-dessus le siège, et atterrit sur une dure silhouette qui tomba à la renverse et grogna :
— Ouille ! Tu es plus lourd que tu n’y parais !
— Ralph ! s’écria James, en se redressant. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Zane apparut lui aussi, et il aida Ralph à se relever.
— Nous devons filer d’ici, dit-il, en criant pour couvrir le tumulte de la foule. C’est la panique partout. Et nous savons parfaitement que Lily n’est pas là. Rose nous attend dans le château. Venez !
— Où est ma mère ? cria James, tandis que les trois garçons se faufilaient à travers la foule.
— Ton oncle Ron et ta tante Hermione l’ont emmenée dans la Grande Salle, répondit Zane. Ils sont avec elle. George et Ted ont déjà proposé de fouiller tout le château. Vu qu’il est impossible de transplaner dans l’enceinte de Poudlard, Lily doit bien être quelque part par là.
Le visage de Ralph était rouge de colère.
— Qui a fait ça ? demanda-t-il. Tu crois vraiment que c’est Tabitha Corsica ? Qu’est-ce que ça a à voir avec le Gardien ?
— C’est la seule chose qui a un sens, répondit James.
Dès que les trois amis passèrent la porte voûtée qui les ramenait au château, Rose les vit. Elle bondit, et se précipita vers eux, le visage blafard et terrorisé. Encore haletant, James prit un bref moment pour leur raconter sa rencontre avec Merlin.
— Il a dit que le Gardien te cherchait ? demanda Rose. Qu’est-ce que ça veut dire ? Pourquoi ?
— Je n’en sais rien. (James secoua la tête.) En fait, Merlin sait quand même que quelque chose de très grave va arriver ce soir. Il voulait se débarrasser de moi.
— Personne n’a vu Tabitha cette nuit, intervint Ralph. Elle n’est pas venue pendant la pièce. Et Curry était furieuse contre elle. Elle doit avoir quelque chose à voir avec la disparition de ta sœur.
— Bien sûr qu’elle a quelque chose à voir, sans aucun doute, répondit une nouvelle voix.
James se tourna, et vit Scorpius qui approchait, le visage grave et inquiet.
— Écoutez, mon grand-père ne m’a jamais parlé de ça… (Il secoua la tête.) Ça ne va pas du tout. Je suis venu vous aider, si c’est possible.
— Tu prétends que ton grand-père ne t’a jamais parlé de la façon dont Tabitha devait devenir l’hôte du Gardien ? précisa Rose.
Scorpius croisa les yeux de Rose.
— Oui, répondit-il rapidement. D’accord, j’en sais un peu plus que ce je vous ai dit… mais à quoi bon vous l’expliquer maintenant ? L’important est d’aller chercher la sœur de James. Tu en penses quoi, Weasley ?
James avança vers Scorpius.
— Qu’est-ce que tu nous as caché ? demanda-t-il.
L’autre se tourna vers lui, avec impatience.
— Écoute, tout ce que je sais, c’est que ce n’est pas comme ça que le plan m’a été expliqué. Je ne connais pas les détails, mais je sais que ce n’est pas ça. Plus longtemps on passera à discuter ici, plus longtemps ta sœur sera en danger. C’est compris ?
James le regarda, les yeux étrécis.
— Tu dois être Scorpius, intervint Zane en lui tendant la main. J’ai beaucoup entendu parler de toi. Je suis Zane. Je te maudirai peut-être plus tard, mais pour le moment, autant en finir avec les présentations.
Ralph secoua la tête, impatienté.
— Venez ! Allons au moins jusqu’à la Grande Salle ! C’est là qu’est ta mère, James, avec tous les autres. Peut-être pourrons-nous les aider à fouiller le château.
James regardait toujours Scorpius.
— Non, dit-il. Il y a un seul endroit que je veux fouiller : la salle de bain des filles au premier étage, là où Henrietta a vu Tabitha pour la dernière fois.
Rose fronça les sourcils.
— Pourquoi serait-elle là ?
James courait déjà dans les couloirs, suivis par tous les autres.
— Je me suis demandé la même chose quand Henrietta nous en a parlé, avant la représentation, répondit-il, mais ensuite je me suis souvenu que c’était là que vivait Mimi la Geignarde.
— Mimi la Geignarde ? répéta Zane. Qui c’est ?
— Oh, c’est un fantôme qui hante les toilettes, répondit Rose. Elle vit là-haut parce que c’est là qu’elle a été tuée, il y a des décennies de ça.
Zane plissa le visage de dégoût, sans ralentir le pas.
— Elle est morte dans les toilettes ? Ça paraît plutôt étrange, vous ne trouvez pas ?
— C’est une histoire compliqué, répondit Rose, d’une voix fatiguée. Ce n’est pas seulement une salle de bain, c’est aussi l’entrée de… de… (Elle poussa un cri étouffé.) James, c’est ça !
De derrière son épaule, James lui jeta un coup d’œil, et il acquiesça.
— D’après Henrietta, Tabitha parlait toute seule devant le miroir, dans une langue étrangère.
Les yeux de Rose s’écarquillèrent.
— Bien sûr ! La lignée doit obligatoirement parler le fourchelangue, tout comme Voldemort. Elle a réussi à ouvrir la Chambre des Secrets, alors que la pièce a été condamnée depuis des années. Ça doit être là qu’elle a emmené ta sœur.
— Et c’est ça que je voyais dans mes rêves depuis toujours, dit James. Quel dommage que je ne l’ai pas reconnue plus tôt.
— Hey ! cria une voix grave derrière eux.
Les cinq élèves s’arrêtèrent net. Quand James pivota, il s’attendait à voir Merlin lui sauter dessus, le bâton déjà levé. Au contraire, deux sorciers plutôt minces émergèrent des ténèbres : l’un petit et maigre ; l’autre grand et négligé.
— Albus ! cria Rose. Ted ! C’est vous ?
— Oui, haleta Ted. James, c’est ta mère qui m’envoie. Elle se fait un sang d’encre à votre sujet.
— Et moi je suis venu parce que maman ne m’a pas vu filer, proclama Albus. Il n’est pas question que je reste assis sans rien faire.
— Ted, comment nous as-tu retrouvés ? demanda Zane, le front plissé.
Ted poussa un soupir fatigué.
— J’ai du flair… (Il se toucha le nez.) Le flair d’un loup-garou, pour tout te dire. Entre le savon de Rose et les bonbons à la menthe que Ralph transporte dans sa poche, vous êtes aussi faciles à renifler qu’un Strangulot mort.
— Eh bien, dis à maman que nous allons chercher Lily, dit James en se redressant. Nous savons peut-être où elle est et qui l’a prise.
— C’est vrai ? s’enquit Ted, très sérieux. C’est vraiment étonnant vu que toute la famille fouille le château pour la retrouver. Qu’est-ce que vous savez ?
— C’est trop long à expliquer, dit Rose. Albus, transmets-leur simplement le message. Nous allons la chercher.
— Pas question, dit Albus en secouant la tête. Elle est aussi ma sœur. Si vous savez où elle est, je viens avec vous.
— Albus ! cria James, c’est Tabitha Corsica qui l’a.
— Tabitha Corsica a enlevé Lily ? intervint Ted. Mais pourquoi aurait-elle fait ça ? Vous en êtes sûrs ?
— Oui, nous en sommes sûrs, affirma Ralph. Et nous n’avons plus beaucoup de temps.
— Alors pourquoi attendre ? demanda Albus, le visage grave. Je me fiche de qui a pris ma sœur. Nous discuterons des détails quand nous l’aurons récupérée. Venez !
Sans plus discuter, le petit groupe se mit à courir dans les couloirs. En montant les escaliers, James entendit Ted parler à voix basse derrière lui.
— Ralph, je suis vraiment désolé… Je ne sais pas quoi te dire… J’ai failli t’arracher bras…
— Ça va, haleta Ralph. N’en parlons plus.
— J’étais en colère… continua Ted. Petra et moi, ce jour-là… quand nous avons parlé, ça m’a… rappelé des souvenirs. Et vu qu’elle vivait la même chose, c’était… difficile…
James l’interrompit.
— Qu’est-ce que tu racontes, Ted ? Je croyais que Petra voulait te parler de… votre séparation ? Elle ne se remet pas que tu aies rompu…
Ils avaient atteint le sommet des escaliers, et James suivait Rose vers la salle de bain des filles.
— Quoi ? s’étonna Ted. Qui t’a dit ça ? C’est Petra qui a rompu avec moi, il y a des mois. Je pensais que tout le monde le savait.
— Non, répondit James. Pas du tout. Nous avons tous cru qu’elle était allée à Pré-au-lard pour se réconcilier avec toi.
— Vous avez cru que nous parlions de nous deux ? dit Ted avec un rire sans joie. Pas du tout. Nous parlions de ses parents. Tu te rappelles ce paquet qu’elle a reçu du ministère avant Noël ?
Alors que James s’apprêtait à répondre, Rose ouvrit la lourde porte de la salle de bain de l’étage. Elle se précipita à l’intérieur, suivie par Ralph et Scorpius. Il y eut un éclair rouge et un hurlement. Instinctivement, James repoussa Zane et baissa la tête. Un autre éclair de lumière rouge passa au-dessus de lui. Ted se précipita dans la salle de bain, roula sur lui-même, et atterrit sur un genou, la baguette en avant.
— Arrête ! hurla-t-il.
James était encore par terre, à la porte de la salle de bain. Il leva la tête, et vit Ralph étendu sur le carrelage, inconscient. Tabitha Corsica était penchée sur lui, les cheveux dénoués, les yeux sauvages. Elle avait un bras autour du cou de Rose qu’elle soulevait presque du sol. De l’autre main, elle pointait sa baguette sur la tempe de Rose.
— Eh bien ! s’exclama Tabitha, il y a beaucoup de monde pour la fête. Je n’avais pas pensé que vous viendriez aussi nombreux, ni aussi vite, mais c’est sans importance : je suis quand même prête.
— Tabitha ! cria Scorpius en avançant, la baguette pointée. Qu’est-ce que tu fais ?
— Comme si tu ne le savais pas, Scorpius Malefoy ! cria-t-elle avec un rire dément. Je pourrais te demander la même chose. Quand je t’ai vu accompagner ces gens-là, j’avoue que je me suis un peu posé des questions sur tes intentions.
— Ça ne devait pas arriver comme ça ! répéta Scorpius en avançant d’un pas. Je n’ai jamais accepté un enlèvement.
— Ton grand-père savait que tu n’aurais pas le cran de faire ce qu’il fallait cette nuit, Scorpius, annonça Tabitha d’un ton triomphant. Mais tu n’as jamais servi à rien. Après le petit service que tu nous as rendu l’été dernier, tu n’as été qu’un pion. C’est ton grand-père lui-même qui me l’a dit.
James se releva, et sortit sa baguette.
— Quel service ? demanda-t-il. De quoi elle parle, Scorpius ?
— James, reste par terre ! cria Ted, sans quitter Tabitha des yeux. D’ailleurs, écartez-vous tous pendant que vous le pouvez.
— James, marmonna Rose, va-t’en.
Elle se tortillait et essayait d’échapper à la baguette de Tabitha. Mais la sorcière resserra sa prise sur son cou.
— Dis-leur, Scorpius ! ordonna-t-elle. Dis-leur quel ami fiable tu fais. Dis-leur que tu t’es moqué d’eux tout du long.
La baguette de Scorpius, pointée sur la sorcière, trembla légèrement. Quand le garçon pâle jeta un coup d’œil de côté, James remarqua ses yeux brillants et effrayés.
À nouveau, Tabitha eut un sourire.
— Tu devrais réfléchir, James Potter, et te demander comment j’en savais autant sur ce que tu faisais, et sur les endroits où tu étais. À ton avis, pourquoi étais-je aujourd’hui encore si bien préparée à ton arrivée ? Tu ne devines pas ? Je pense que devrais faire un effort.
Ce fut Albus, à la fois déçu et choqué, qui répondit, par-dessus l’épaule de James.
— C’est toi qui as la Carte du Maraudeur, dit-il. Mais Tabitha, pourquoi ?
— Oh, mon cher Albus, répondit Tabitha, l’importante question n’est pas « pourquoi » mais plutôt « comment ». J’ai cette carte parce que Lucius Malefoy a dans son équipe un très habile voleur. Pas vrai, Scorpius ?
Scorpius secoua la tête avec une colère qu’il ne chercha pas à cacher.
— D’accord, tais-toi, Corsica. Si tu insistes, je leur dirai moi-même. Voilà : c’est moi qui ai pris la carte et la cape. Tu es contente ? (Il baissa sa baguette, et se tourna vers James, le visage bouleversé.) Écoute, j’ai accompagné mes parents quand ils sont allés aux funérailles de ton grand-père. Je leur ai dit que j’attendrai dans la voiture, mais… j’ai menti. Pendant leur absence, je suis sorti de la voiture pour aller dans la maison. J’ai trouvé la chambre de tes parents, et j’ai fouillé, le plus vite possible. J’ai volé la Carte du Maraudeur et la cape d’invisibilité, pour obéir aux ordres de mon grand-père. Essaie de comprendre, James, j’étais… troublé. Je voulais impressionner mon grand-père, et lui prouver que j’étais un vrai Malefoy et un Serpentard. Je voulais lui montrer que je pouvais faire mieux que mon renégat de père. Mais je n’ai jamais pensé que ça me mènerait à ça. Je le jure.
James était absolument sidéré. Le souffle coupé, il demanda :
— Et la poupée ?
Scorpius ne pouvait plus soutenir le regard de James. Il détourna la tête, et eut un bref hochement.
— Elle ne faisait même pas partie du plan. Mon grand-père ignorait son existence. Je l’ai vue sur la table de chevet, j’ai pensé que ça pourrait m’aider. J’ai pensé aussi que ça impressionnerait mon grand-père. Et ça a été le cas, oui ! Il avait de grands plans pour cette poupée, bien qu’ils n’aient jamais marché comme il l’espérait.
Fou de rage, Albus se jeta en avant.
— Je savais que tu étais un rat ! s’écria-t-il. Je l’ai su dès que je t’ai vu.
James retint son frère, et étrangement, Albus se laissa faire.
— Mais pourquoi nous as-tu parlé de Tabitha ? demanda James. Pourquoi nous avoir montré les souvenirs de la Pensine ?
— Ne réponds pas à ça, Scorpius ! dit Tabitha. Assez parlé. Il est temps que commence le véritable travail de cette nuit. Fichez le camp, tous. Sinon, Weasley mourra. Et si vous pensez que je bluffe, vous feriez mieux de réfléchir ! Je vous garantis qu’elle sera morte sur le carrelage quand je descendrai dans la Chambre des Secrets. Partez.
— Tabitha, tu es aussi folle que mon grand-père, cria Scorpius en colère. Laisse-la partir. Qu’est-ce que tu crois faire ?
Tabitha enfonça sa baguette dans la tempe de Rose.
— Je vais accomplir le travail pour lequel je suis née ! hurla-t-elle. Il y a un millier d’années que cette nuit a été prévue, et c’est moi qui serai l’âme de notre revanche. Je serai le poids de la balance. Je suis la lignée de Lord Voldemort !
Scorpius fit un pas en avant, sans même lever sa baguette.
— Toi ? ricana-t-il. Si tu le crois, c’est que tu as été trompée, comme moi. Nous aurions dû savoir, tous les deux, que jamais mon grand-père ne dirait à personne la vérité sur son plan. Pose ta baguette, et laisse-la partir.
Tabitha sembla se décomposer, les yeux de plus en plus sauvages et déments.
— Nooon ! hurla-t-elle. Je suis la lignée. C’est mon devoir de descendre dans la Chambre de mon aïeul : je serai l’hôte du gardien.
— Non, ce n’est pas toi, déclara Scorpius d’une voix ferme. Si tu l’étais, tu aurais été capable d’ouvrir seule la Chambre des Secrets. Mais ce n’est pas le cas. Tu as essayé, de toutes les forces, mais tu ne parles pas fourchelangue. Tu n’es rien de plus qu’une diversion pour nous retarder. Et c’est pour ça que mon grand-père a voulu que je leur montre les souvenirs de la Pensine : pour leur faire croire que la lignée, c’était toi. Il voulait les empêcher de découvrir la vérité avant qu’il soit trop tard.
— Nooon ! hurla une fois de plus Tabitha.
Elle ferma les yeux, et tout à coup, se secoua. Elle relâcha sa prise sur le cou de Rose et pointa sa baguette sur Scorpius.
— Avada Kedavra ! hurla-t-elle folle de rage.
Un éclair vert et mortel jaillit de la baguette. Instinctivement, Scorpius plongea de côté, évitant le sortilège comme il l’avait pratiqué, encore et encore, dans le club de Défense. Le sortilège de la Mort le manqua de quelques centimètres et heurta derrière lui le mur, qui explosa dans un craquement sonore. Mais le mouvement de Scorpius l’avait déséquilibré. Il tomba à la renverse et sa tête frappa violemment le rebord du lavabo. Il s’écroula. Au même moment, James vit la bouche de Rose se serrer. Sa cousine donna un violent coup de pied en arrière, heurtant le tibia de Tabitha. La sorcière poussa un cri de colère et de douleur, et elle trébucha. Rose s’échappa de son bras, et plongea en avant. Ted avança vers Tabitha, mais elle n’avait plus la force de se battre. Elle laissa tomber sa baguette, et s’écroula par terre, la tête cachée dans les bras, sur ses genoux repliés.
— Il va bien ? demanda Rose, en s’approchant du corps de Scorpius.
Albus traversa la pièce et pointa sa baguette.
— S’il n’est pas mort, dit-il, je vais le tuer.
Gentiment, James repoussa son frère, et s’approcha du garçon dont la tête saignait sur le carrelage.
— Recule, Al. Tu le tueras plus tard. Pour le moment, je pense qu’il va bien.
Avec un grognement de douleur, Ralph se rassit, et se frotta la tête.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? gémit-il. Je suis mort ?
— Tabitha t’a stupéfié, répondit Zane en l’aidant à se relever. Tu as de la chance qu’elle n’ait rien fait de pire, parce qu’elle a méchamment déraillé.
— Je suis la lignée, sanglota Tabitha. J’ai senti la main du Seigneur des Ténèbres me guider. C’est ce qu’on m’avait promis ! Que mes parents seraient vengés. Personne d’autre ne remplit les conditions de la prophétie. Je suis la seule orpheline qu’il y ait à l’école. Ça doit être moi.
Ted sursauta, et regarda Tabitha d’un œil dur.
— Qu’est-ce que tu as dit ?
La sorcière en larmes leva sur lui des yeux furieux.
— Je suis la seule orpheline de Poudlard, Ted lupin ! cria-t-elle. Depuis que tu as quitté l’école, il ne reste que moi. Or la prophétie dit qu’un enfant né dans une tragédie sera l’hôte du Gardien. Mes parents sont morts, depuis des années. Lucius Malefoy m’a confirmé que le ministère avait tué mon père, et ma mère est morte de chagrin après ma naissance.
Ted secoua la tête, très lentement.
— Ce n’est pas vrai, dit-il. (Il se tourna pour regarder James, le visage très grave.) Alors, personne d’autre que moi ne le sait ? Je pensais qu’elle vous l’avait dit aussi, comme à moi.
— Qui ? s’enquit James en secouant la tête. Ted, dis-nous de qui tu parles ?
— Ce jour, à Pré-au-lard, répondit Ted, elle avait besoin de me parler parce qu’elle venait de découvrir la vérité sur ses parents. Elle voulait le dire à quelqu’un qui avait traversé la même tragédie et connu les mêmes pertes. Elle ignorait tout avant de recevoir le paquet du ministère. Et elle n’arrivait pas le supporter… C’est un sacré choc de découvrir ça tout à coup, si vite…
James avança d’un pas.
— Petra ? Tu dis que le paquet qui venait de son père…
Il s’interrompit quand Ted fronça les sourcils, et secoua la tête.
— James, le paquet ne venait pas de son père. C’est le ministère qui l’a envoyé. Il s’agissait des possessions que son père avait laissées en mourant, à Azkaban, il y a des années. Par testament, il les lui avait léguées à Petra. À 17 ans, elle est devenue majeure, et le ministère lui a délivré son legs. Petra ignorait que son père avait été incarcéré. Parmi de vieux habits, elle a trouvé un message, adressé à la petite fille que son père n’a jamais connue. Il lui disait être certain que ses gardes le tueraient bientôt, et qu’il ne pouvait rien faire pour les en empêcher. D’après lui, les gardes croyaient qu’il se taisait pour protéger ses anciens employeurs Mangemorts, mais ce n’était pas le cas. Il n’avait rien su à leur sujet, pas connu leur nom, ni même vu leurs visages. Il voulait que Petra sache qu’il aurait tout avoué pour pouvoir être auprès d’elle, et surtout, qu’il l’aimait, et qu’il était désolé de ne jamais pouvoir être là pour elle.
James arrivait à peine à accepter cette horrible hypothèse.
— Alors, c’est Petra ? chuchota-t-il. C’est impossible !
Ted hocha la tête, très sérieux.
— Elle en doutait elle-même au début. Elle est allée voir Merlin, et lui a montré la lettre. Il a proposé de la laisser découvrir la vérité dans le miroir magique qu’il possède, mais il l’a avertie qu’elle pouvait ne pas vraiment souhaiter la connaître. Petra a quand même regardé. Elle a vu… exactement ce qui est arrivé. Ils ont jeté son père dans la fosse des Détraqueurs. C’était… c’était horrible. Elle en est sortie effondrée.
Les yeux écarquillés, Rose regarda James, puis Ted.
— Elle n’a jamais dit à personne qu’elle était orpheline. Nous avons tous cru qu’elle avait des parents, comme tout le monde.
— Elle a été élevé par ses grands-parents, mais elle n’en parle jamais, répondit Ted. Nous autres, les Gremlins, nous les avons vus parfois à la gare, et même s’ils paraissaient âgés, nous pensions que c’étaient ses parents. Comme elle ne parlait jamais d’eux, nous avions deviné qu’elle ne menait pas une vie familiale très heureuse. La seule chose qu’ils lui aient dite est que sa mère est morte à sa naissance. Ils n’ont jamais parlé de son père, et Petra avait appris depuis longtemps à ne pas poser de questions.
— J’aurais dû le savoir, dit James, en effleurant son front. Je l’ai vue dans mes rêves, encore et encore. Je pensais que c’était Tabitha, parce que je ne voyais pas son visage, mais bien sûr, c’est normal. Cette forme noire, dans le coin… celle qui parle toujours des disparus. Il lui disait qu’elle aurait la possibilité de les venger, et de les faire revenir. D’ailleurs, je les ai vus… ses parents, se refléter dans une piscine d’eau noire. Petra est persuadée que le ministère a tué son père, que sa mère en est morte, et maintenant elle veut faire ce qu’elle pense être juste pour ramener ses parents à la vie. D’ailleurs, la forme sombre dans mes rêves lui a dit que c’était le seul moyen de payer sa dette : du sang pour du sang.
— Lily ! haleta Rose, la main sur la bouche.
— Petra ne ferait jamais ça ! affirma Albus en secouant la tête. Petra ne ferait jamais de mal à Lily. Vous ne croyez pas ?
— Morganstern ? s’écria Tabitha dans un sanglot. C’est impossible !
— Pas vraiment, répondit une autre voie morose. Tout est possible, quand on y réfléchit.
Tout le monde se retourna vers une silhouette spectrale qui flottait au-dessus de la fenêtre, dans un coin de la salle de bain.
— Mimi ! s’exclama Rose. Depuis combien de temps es-tu ici ?
— C’est ça Mimi la Geignarde ? demanda Zane un sourcil levé. J’espérais quelque chose de plus… euh…
— C’est très mal élevé de parler des gens comme s’ils n’étaient pas là, protesta Mimi d’une voix geignarde. Bien sûr, techniquement, je ne suis pas vraiment… là. Mais quand même ! D’ailleurs, j’ai l’habitude qu’on m’ignore.
Elle poussa un énorme soupir. James intervint :
— Désolé, Mimi, mais c’est très important. Qu’est-ce que tu sais de tout ça ?
— Ah, à présent, tu as besoin de Mimi, non ? Qu’est-ce que tu as vu, Mimi ? Dis-nous tout ce que tu sais, Mimi ? Mais dès que vous êtes au courant, dès que je parle, on m’ignore. Tout le monde abandonne la pauvre et pathétique Mimi la Geignarde. C’était la même chose avec ton père, James Potter. Ton frère lui ressemble beaucoup, même s’il n’a pas cette cicatrice bizarre en forme d’éclair sur le front.
— Mais de quoi elle parle, James ? demanda Albus à mi-voix.
James secoua la tête.
— Je suis désolé, Mimi, mais c’est vraiment très sérieux. Notre sœur est en danger. Tu dois nous aider.
— Je sais, roucoula Mimi. Pauvre petite Lily. Peut-être que son fantôme me tiendra compagnie, ici dans les toilettes.
— Mimi ! cria James en colère.
Rose l’interrompit en posant une main sur sa poitrine, l’empêchant d’aller plus loin. Elle se tourna vers la figure spectrale, avec sur le visage une expression pensive.
— Tu sais, Mimi, si tu nous aides, je suis certain que le père de Lily te serait vraiment très reconnaissant. Il viendrait sûrement te rendre visite, pour te dire à quel point il a apprécié ton aide.
Mimi regarda Rose, d’un air sceptique.
— Harry ? Sûrement pas. Euh… tu crois ? Il ne se souvient pas de moi.
— Je suis certaine du contraire, affirma Rose. Je l’ai souvent entendu parler de toi. Il sera certainement très content de… Euh… papoter avec toi.
Mimi sembla s’éclairer à cette perspective.
— Tu le crois vraiment ? Oh, ça fait bien longtemps, mais je savais bien qu’un jour, il reviendrait. J’ai toujours eu avec lui un lien spécial.
— Oui, approuva Rose. Mais d’abord, raconte-nous. Qu’est-ce que tu as vu ? Qu’est-ce que tu sais au sujet de Petra ?
— Oh, oui, dit Mimi, à nouveau au morose. Pauvre petite. Elle n’est jamais venue me parler, vous savez, et pourtant elle est restée très longtemps ici. Elle croyait probablement que je ne pouvais pas la voir sous sa cape d’invisibilité, mais ces choses-là ne marchent que pour les vivants.
Zane fit un pas en avant.
— Petra a la cape ? Quand est-elle venue ? Qu’est-ce qu’elle a fait ?
Mimi descendit un peu, s’approcha de Zane et posa sa main spectrale sur son épaule.
— Elle est souvent venue ici ! Elle a passé presque tout son temps dans la salle de bain durant les vacances, quand il y avait peu de monde à l’école. Mais ces derniers temps, elle venait au moins une fois par semaine. Je ne sais pas ce qu’elle faisait en bas, parce que bien sûr je ne… euh… la suivais pas. Elle est arrivée il n’y a pas vingt minutes, en portant la petite Lily. Juste avant que Tabitha survienne à son tour, avec cette carte ridicule.
— Où Petra a-t-elle emmené Lily, Mimi ? demanda Ted d’un ton impatient. Sont-elles descendues toutes les deux dans la Chambre des Secrets ?
— Bien entendu, dit Mimi, en jouant les coquettes. Que tu es bête ! Où veux-tu qu’elles aillent sinon ?
— Pourquoi ne l’as-tu dit à personne ? grommela Albus, exaspéré.
Mimi le fixa d’un œil humide.
— Parce que personne ne me l’a demandé, répondit-elle simplement.
James se tourna, et avança jusqu’au milieu de la pièce.
— Comment on descend en bas ? demanda-t-il. Où est la porte ?
Tabitha était toujours écroulée sur le sol, sous l’œil vigilant de Ted Lupin.
— Ah ! s’exclama-t-elle. Tu ne passeras jamais. Si moi, je n’ai pas réussi à ouvrir la porte, personne ne le pourra. Il y a que la véritable lignée qui peut prononcer l’incantation et ouvrir la Chambre des Secrets.
— C’est vrai, Mimi ? demanda Rose, en se tournant vers le fantôme.
— Oh, non ! s’exclama Mimi, en secouant la tête. Non non non. Beaucoup de gens ont ouvert la chambre. Même cet horrible Ron Weasley y est arrivé, il y a quelques années, simplement en imitant les sons qu’Harry Potter avait produits. Si lui l’a pu, n’importe qui le peut aussi.
— Espèce de misérable petite… cria Tabitha en se relevant. Tu m’as regardé agir tout le temps, et jamais… Tu m’as laissé me ridiculiser !
Mimi éclata en sanglots.
— Tu n’avais pas besoin de mon aide, dit-elle.
— Mimi, dit James sérieusement, en s’approchant du fantôme. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Pourrais-tu nous dire l’incantation ?
— Je te l’interdis ! hurla Tabitha d’une voix stridente.
— J’en ai assez de toi, Corsica, avertit Ted, en levant sa baguette. Tu te tais, ou je te stupéfie. Tu ne mérites pas mieux !
Mimi ignora Tabitha.
— C’est un bruit horrible, répondit-elle. Ça me donne des frissons de l’entendre, même si je suis morte. Je me précipitais toujours dans mon tuyau d’évacuation chaque fois que Petra s’apprêtait à le dire.
— Je t’en supplie, Mimi, insista Rose. Comment on y va ? Il faut qu’on descende.
Mimi jeta un coup d’œil en direction de Rose, un sourcil levé.
— Tu crois vraiment qu’Harry va venir me rendre visite ? Tu le promets ?
— Je le promets, affirma Rose. Je t’en prie, dis-nous.
Mimi soupira, puis elle glissa lentement jusqu’au centre de la pièce. Puis elle ouvrit la bouche et produisit un son horrible et sifflant. C’était à la fois guttural et gargouillant. James sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Quand le fantôme eut terminé, Zane regarda autour de lui, et demanda :
— Alors, qui essaye ? Je n’arriverai jamais à faire un son pareil.
Ralph prit une profonde inspiration.
— Je vais essayer, annonça-t-il, résigné. Après tout, je suis un Serpentard.
Personne ne lui contesta ce droit. Ralph ouvrit la bouche, et répéta le son aussi bien que possible. D’après James, c’était tout à fait remarquable puisqu’il avait senti à nouveau ce frisson glacé lui parcourir l’échine. Dès que Ralph termina, il y eut un grondement sonore dans la salle de bain. Le lavabo, derrière Ralph, commença à s’abaisser, s’enfonçant dans le sol. Quand Tabitha poussa un cri et s’écarta, son visage pâle était un masque d’émerveillement et de jalousie.
— Venez, dit Ted, gravement. Nous devons vous dépêcher.
— Tu ne peux pas venir, Ted, dit Rose en lui touchant le bras. À moins que tu n’aies l’intention d’emmener Tabitha. C’est une « septième année », je pourrais peut-être la surveiller, mais tu seras bien meilleur que moi.
Frustré, Ted grimaça et agita sa baguette. Finalement, il accepta.
— D’accord, allez-y, dit-il à contrecœur. Je surveille Corsica, mais nous ne partirons pas avant que vous reveniez, c’est compris ? De plus, il n’y a que Petra là, en bas. Vous devriez pouvoir lui faire entendre raison. Elle n’a jamais fait de mal à personne.
James hocha la tête, mais il n’était pas aussi confiant que le sorcier : Ted n’avait pas vécu les mêmes rêves que lui.
— D’accord, allons-y.
Il prit une profonde inspiration, et se tourna vers l’ancien escalier.
— James ? appela Ted. Rappelle à Petra ce qu’elle m’a dit : ce n’est pas le bon moyen. Dis-lui bien que j’ai dit ça.
Une fois de plus, James acquiesça puis il plongea dans l’escalier, et ses amis le suivirent de près.